L'Ecologie des Images

The Art of Transformation

" Quand je ne suis pas toute nue je fais des vêtements "

Performance Hors Pistes, Centre Pompidou

Je fouille dans les poubelles pour trouver des fripes, des vêtements deuxième main, que je transforme pour en faire de nouvelles pièces, on dit aussi leur donner une deuxième vie, c’est de l’upcycling. 

C’est une pratique que l’on qualifie aujourd’hui d’écologique, pour moi elle est fondamentalement politique. L’upcycling c’est l’art de la transformation, une façon d’aborder le monde, de valoriser l’existant sans avoir besoin de quelque chose de nouveau. Je le fais avec les vêtements mais aussi les images, les objets, les symboles ou meme les idées. 

Je travaille principalement en collaboration, avec des artistes ou des amateurs, des marques ou des enfants, dans les musées ou dans la rue, le monde entier dans sa pluralité m’intéresse, mon medium c’est les fringues, les attitudes, les gueules, les corps, que jaime prendre en photo. Les gens sont mon inspiration et c’est dans la rencontre et l’experience que je trouve l’énergie qui nourrit mon travail, j’aime créer quelque chose imprévisible, j’aime que les points de vue se percutent car c’est dans l’interstice de ce qui nous échappe que se passe la magie de la creation et de collaboration .

En tant que Femme Artiste, Féministe, Activiste en 2021, jai un rapport très circulaire au monde de la mode : je m’habille je me deshabille, je m’habille et me deshabille…

" c’est dans la rencontre et l’expérience que je trouve l’énergie qui nourrit mon travail (...) "

Pour info :

• 4 Millions de tonnes d’invendus sont détruits chaque année dans le monde

• seulement 1% des textiles invendus sont upcyclés

• 73% des vêtements produits sont détruits à la fin de leur vie

• 30% des vêtements produits ne sont jamais vendus

• +de 50% des produits de fast fashion sont jetés ou détruits moins d’un an après leur achat.

• la production d’un Jeans nécessite 11 000 litres d’eau soit 285 douches

• celle d’un Tee Shirt nécessite 2 700 litres d’eau soit 70 douches.

Malheureusement, l’industrie de la mode participe activement à l’épuisement des ressources naturelles. L’ effondrement du Rena plazza au Bangladesh en 2013 a fait plus de 1132 mort parmis les travailleurs des ateliers de confection de marques internationales : les initiatives d’une mode eco-responsable se sont multipliées, particulièrement chez les plus jeunes generations et sous le label de fashion revolution .

" Les initiatives d'une mode éco-responsable se sont multipliées, particulièrement chez les plus jeunes generations et sous le label de Fashion Revolution. "

ANDREA CREWS est née d’une performance d’upcycling monumentale, dans un tas de fripes de 5 tonnes, c’était au Palais de Tokyo en 2002, nous avons cree une première collection, collective et expérimentale, critique de l’hyper consommation et proposition vivante d’une alternative sociale et écologique. Andrea Crews est un personnage fictif que chacun peut incarner, elle a aujoud’hui 18 ans!

En 18 ans, Nous sommes passés de de la performance artistique à une marque de mode internationale, du vêtement vintage à la pièce unique, du Palais de Tokyo au Centre Pompidou en passant par chez Colette, puis je me affranchie du modele de fonctionnement classique d’une marque de mode pour assumer pleinement notre modele indépendant décroissant et iconoclaste.

Ma pratique questionne les notions de la normalité, la consommation ou la transformation et met en scène des valeurs humanistes comme la joie ou la liberté qui sont des outils d’attraction, de collaboration, et d’Empowerment. Pour moi le défilé est comme une forme d’Art populaire et subversive, je fais des casting sauvage et j’embarque les dandy décaties, ou les plantureuses introverties sur le catwalk et sous les lumières qui brillent et la musique qui tape, ils marchent joyeusement et c’est la fete.

L’Entertainment est un moyen oblique mais efficace pour aborder la transition écologique et sociale.

" Ma pratique questionne les notions de la normalité, la consommation ou la transformation et met en scène des valeurs humanistes comme la joie ou la liberté qui sont des outils d’attraction, de collaboration, et d’Empowerment. "

Transformer la poubelle en oeuvre d’art, serait mon mot d’ordre, il faut dire que jai été élevée par Antita Molinero et Thomas Hirshhorn.

Dans cette video ce sont les images du bon coin que je fétiche à mort, pour moi ce sont elles le symbole absolu de l’écologie des images. Elles sont fondamentalement amateurs, mal faites et de mauvais goût, mais qui détient le pouvoir du bien fait et du bon goût? 

" Elles sont fondamentalement amateurs, mal faites et de mauvais goût, mais qui détient le pouvoir du bien fait et du bon goût? "

Ce sont par essence des photo de vêtements, et par extension des photos de mode, version chaine courte et do it yourself. Elles retranscrivent des donnees historiques, sociologiques et émotionnelles sur leur propriétaires, elles sont  très identitaires Murielle, nuisette leopard à saint Malo en 2011, mais aussi perdues dans le chaos du web 2.0.

Elles sont à la fois atemporelles et symbole de l’avènement d’une économie collaborative et circulaire apparue à l’aune des années 2000.

Quand tu mas appellée pour me proposer cette intervention, je me suis posée ces questions a propos des images que je crée : quel est leur écosystème ? Comment sont elles fabriquées? Quel est leur l’impact, leur valeur ? peut on les recycler?

Le plus simple était de l’illustrer par un exemple, Notre collection pour cet hiver 2021 ! Une réedition de pièces iconiques, upcyclées et uniques. Je voulais très peu produire mais aborder le process de fabrication. J’ai demandé à un studio genial de 3D Wwwesh, comment pourrait-on illustrer l’upcycling de façon dématérialisée ?

L’idée était de faire des aller retour entre une création sans limite qui est celle de la virtualité et la contrainte de la matière dans la pratique de l’upcycling qui est par essence artisanale. Une video accompagne donc les looks, c’est une mise en lumière du process de travail.

" L’idée était de faire des aller retour entre une création sans limite qui est celle de la virtualité et la contrainte de la matière dans la pratique de l’upcycling qui est par essence artisanale. "

Entre low tech et hi tech, on a voulu montrer la pluralité des possibles en partant du geste technique, et de son univers esthétique. L’experimentation des formes abolit les clivages steet wear / haute couture,  homme/ femme  – beau/laid  – mettable/immetable et positionne nos creation dans un champ d’expression plastique innovant et joyeux – toujours 🙂

On a décidé de faire un catwalk infini, dans l’idée qu’on embrasse un futur infini. Le personnage 3D nous l’avons incarné, le casting est toujours le moment que je préfère. Il fallait trouver des modèles avec un crane rasé, un homme et une femme très androgyne, et à la peau très noire. J’ai cherché et j’ai trouvé,  ceux qui dans la vrai vie étaient l’incarnation humaine de cet avatar.

J’ai contacté le magique Ibrahim que j’avais rencontré à l’atelier des artistes en exil, il a deja défilé pour Andrea Crews et est lui même designer ainsi que Khaddy, la fille de la nuit que j’ai connu à  Pigalle et que jai tanné pendant 10 ans pour quelle accepte enfin de poser pour moi

On a fait des looks avec le grand guy tahi, tu connais le style Benji? sous culture des kids gay et racisés dans le new york des années 80’s ceux qui vont au ball room pour voguer? c’était notre inspiration ! Aux joggings et aux jeans déchirés , on a rajouté des bijoux brillants, des petits sacs de demoiselles des collants sur le tete, et des bottes en vynil. Benji est street comme Andrea Crews et Benji se moque du luxe pour créer sa propre histoire.

Sur un tee shirt blanc il y a le portrait peint de Nogoflani Fofana par l’artiste Ana Castillo, il est la reproduction fidèle d’une photo du défilé de janvier 2020 que l’on a choisi de rééditer en janvier 2021.

Les images comme les défilés se recyclent. Nogoflani n’est pas mannequin, elle n’est pas non plus influenceuse. Elle est la femme noire inconnue et vivante qui a le pouvoir de renverser l’ancien monde, elle est l’icône d’un nouveau paradigme  celui de #metoo et de #blacklivesmatter

" Les images comme les défilés se recyclent "

On a vu aussi recyclé les portrait d’ Eminem, et de Julian Assange pour les foulards, tu te souviens  lequel était ton préféré? moi jai choisit le portrait de la jeune fille en fleur

Et la mappemonde qui brule comme symbole de notre époque a bout de souffle  nous l’avons transformé en it bag. Les photos ont été réalisées par chantapitch wiwatchaikamol, dans notre studio dans le marais, jeudi 21 janvier 2021 sur un cyclo gris,  avec une lumière neutre, sans coiffure ni maquillage, , on a écouté de la musique et on a bien rigolé.

" Il n’est pas facile de faire exister une marque créateur et durable dans un système qui laisse peu de place à l’alternative et à la conscience. "

 

La mode est une industrie très polluante, qui anéantit les plus petits, qui réduit son impact carbone pour vendre plus de rouge a lèvres.

Moi j’ai de la chance, comme je transforme les poubelles, mes ressources sont inépuisables et ma créativité s’inscrit naturellement dans un cadre de développement durable. Elle est  riche d’un écosysteme bienveillant et son impact positif se mesure chaque jour à l’enthousiasme des gens qui m’entourent !